Sans commentaires, c'est dimanche .....
"En fait, cet écrivain se présente comme un ennemi qui nous veut (peut-être) du bien : le coronavirus.
Tu auras du mal à le croire, mais je ne suis peut-être pas l’ennemi que tu penses. Qui sait ?
Et si j’étais juste là pour te rappeler ce qui est important ? Tu ne l’as pas mesuré jusqu’à le perdre.
Et si j’étais juste là pour te rappeler ce qui est important ? Tu ne l’as pas mesuré jusqu’à le perdre.
Les
crèches sont fermées ? Réapprends donc à t’occuper de tes enfants, à ne
pas les envoyer trop facilement à la garderie, chez la nounou ou chez
tes parents. Tu ne peux plus embrasser ton vieux papa ou ta malade
maman ? Excuse-moi, je croyais que tu t’en fichais. Quand tu en avais
encore l’occasion, as-tu su en mesurer le prix et l’émotion ? On ne
manque que de ce qu’on connaît ? Ou de ce dont on n’a pas su profiter
quand c’était là, évident, si facile. Finis les restaurants ou le pot
avec les copains ? Qu’en faisais-tu ? Les yeux rivés sur ton téléphone, à
ne pas écouter vraiment, à tweeter, sale oiseau…
Les
réseaux sociaux sont si importants pour toi. Regarde, c’est parfait,
maintenant il ne te reste plus qu’eux. À sourire, un peu crispé, devant
les mauvaises blagues sur le coronavirus, ou angoissé, à voir l’épidémie
s’étendre, et les images anxiogènes contaminer ton pauvre cerveau déjà
si stressé. Ton smiley préféré désormais, c’est celui qui verse une
larme. Trop tard. La bourse s’effondre, tes actions ne valent plus rien,
et d’un seul coup, tu te dis qu’il aurait peut-être mieux valu
installer un potager dans ton jardin, pour survivre.
Ça
ressemblait tellement à une mauvaise histoire de science-fiction et en
quelques semaines, c’est devenu ta réalité. Je ne sais pas toi, mais moi
je rigole. Tu es pitoyable. Confiné à la maison, il serait peut-être
temps de retrouver le plaisir d’ouvrir un livre, pourquoi pas de méditer
un peu… Rien ne t’interdit non plus d’aller faire un tour auprès de ce
ruisseau de montagne, en paix. Sans panique insensée.
Permets-moi
de te dire que tu m’as bien fait marrer, avec cette histoire de pâtes
et de papier toilettes au supermarché. Comme dirait une bonne copine à
moi, je dis ça, je dis rien, mais tu ferais mieux de te ruer sur le
savon, tu ne crois pas ?
Allez,
ne m’en veux pas, cesse donc de perdre ton temps à chercher de
potentiels coupables : la mondialisation, les Chinois mangeurs de
chauve-souris, ou de chiens… Je ne fais jamais qu’appuyer là où ça fait
mal. Tu voulais voyager à travers la planète ? C’est désormais possible.
Il y a juste un passager clandestin dans ta valise, un virus qui vient
te rappeler cette chanson de Francis Cabrel, « les murs de poussière »,
tu cherches souvent loin ce qui est là, depuis le début, près de toi, en
toi. J’avoue, j’ai des airs de sage philosophe.
Je
ne puis m’empêcher de repenser à ce livre de la moine bouddhiste Pema
Chödron, « Quand tout s’effondre ». Oui, quand tout s’effondre, que
demeure-t-il ? L’essentiel. Un baiser, une parole
d’apaisement, un rire, tout ce que je t’oblige à reconsidérer à présent.
Que ne donnerais-tu pas pour revenir à l’avant, à peine quelques heures
ou jours en arrière…
Mais
la vraie question dans tout ça, c’est : quelle leçon vas-tu en tirer ?
C’est encore ma grande interrogation, c’est pour ça que je compte rester
un peu. Quand je vais m’éteindre, durement tué par un été vigoureux, un
vaccin impromptu, quand la vie va redevenir comme avant, vas-tu
retourner à tes incessantes chimères, te dépêcher de vendre les actions
qui auront regrimpé (et ainsi remettre à mal le système déjà exsangue,
une deuxième fois), abandonner tes « vieux » dans cet hospice froid,
laisser tes vrais amis raconter leurs malheurs en maugréant un vague
« ah ouais » tandis que tu « likes » les publications de tes autres
virtuels et méconnus amis sur Facebook, ou publie une photo de ton repas
sur Instagram ?
Si
c’est le cas, excuse-moi mais je me ferai un plaisir de revenir, dans
un an, dans dix ans, et de faire des dégâts considérables, parce que
toi, le grand prédateur humain, celui qui flingue la planète avec sa
surproduction industrielle (oh qu’il est bon de respirer dans ta ville
grâce à moi qui ait su paralyser tes entreprises contaminantes !), tu
viens d’être pris à ton propre jeu. L’orgueilleux déchu. Le fringant
Européen ou tout-puissant Chinois qui lorgne, envieux, sur les étendues
sauvages et désertiques où tu n’aurais pas voulu foutre les pieds, il y a
quinze jours à peine, pour cause de rusticité « trop pas assez bien ».
Hélas
pour toi, en régulant les flux de cette planète, je n’ai pas choisi
d’éradiquer les chats, les chiens, les rats ou les moustiques, non ! Je
t’ai choisi, toi, le colosse aux pieds d’argile. Avant moi, d’autres ont
réussi avec les tristes victoires que l’on sait : cette guerre, ce
Sida, ces cancers… Tu n’as pas voulu comprendre.
Qui
sait, tes sagesses vont peut-être enfin surgir aujourd’hui du néant de
ta solitude, la pire peur humaine ? Alors, lave-toi les mains, mais ne
te lave pas les mains de mon problème, embrasse moins mais étreins bien
les tiens quand tu peux encore le faire, place moins d’argent en bourse
et fais pousser tes tomates, cède davantage à la compassion et moins à
la panique hystérique, aime plus et achète moins, oublie les réseaux
sociaux et reviens aux vrais échanges, aie le virus de la Corona mais
pas le coronavirus.
En
un mot, redeviens un humain, et pas cet avatar un peu stupide, robotisé
et aux réactions insensées. Là tu auras gagné, pour de vrai, ton titre
d’intelligence supérieure. Pour l’instant, tu ne m’en as toujours pas
donné la preuve. Alors, patiemment, j’attends. Mais pas trop longtemps,
s’il te plaît, j’ai une planète de certitudes à détruire, moi…"
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